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samedi, janvier 13, 2007

Deuxième séance du pole reflexion : le pouvoir

Quelques réflexions pour prolonger la discussion d’hier sur le pouvoir :

- Le pouvoir est partout, et toute prise de parole, comme celle de Florent hier, est prise de pouvoir. Cependant, le premier effet d’une prise de pouvoir est de rendre mal à l’aise celui qui l’assume. Quand on parle en public, certes, on est la vedette, mais avant tout, c’est de l’angoisse qu’on ressent. Avoir du pouvoir, c’est d’abord porter un poids, donc c’est d’abord désagréable, parce qu’il n’y a pas de pouvoir sans responsabilité. En effet, quelqu’un qui exerce du pouvoir fait apparaître le fruit de son pouvoir : il fait quelque chose, il produit un résultat. C’est ce qu’a fait comprendre Florent en indiquant que « pouvoir » est un verbe qui en « appelle un autre ». A partir de là, le puissant donne prise aux critiques, aux jugements, il se met en danger. Il a une visibilité, on a une opinion sur lui.

Or pourquoi aujourd’hui recherche-t-on tant le pouvoir, en particulier politique et économique ? Que cherche-t-on dans le pouvoir ? Justement l’irresponsabilité. Le fait de pouvoir atteindre n’importe quel but sans se heurter aux impossibilités ni aux difficultés. Il me semble que cela vient de ce que ceux qui ont le pouvoir ne font, en l’exerçant, que des choses qui ne les concernent pas eux-mêmes. Un homme politique peut bien se tromper, prendre des décisions désastreuses économiquement ou socialement : les conséquences ne seront pas pour lui. Par-delà le constat de son échec, de son erreur, il demeurera le bénéficiaire d’un salaire, ou du moins d’une retraite plus que substantiels. Il sera toujours en contact avec les mêmes personnes, il évoluera dans la même sphère protégée.

Je serais donc portée à considérer que pour qu’un pouvoir s’exerce correctement, soit un vrai pouvoir et non un privilège, il faudrait que cette dimension - souvent pénible - de la responsabilité demeure. Si le puissant considère les conséquences du pouvoir qu’il exerce, il est à la fois celui qui a le pouvoir, et celui qui le subit. Un homme politique reste un citoyen et devrait avoir l’idée qu’il va devoir vivre lui-même sous les lois qu’il émet. Ce serait la garantie que le pouvoir est utilisé pour agir au mieux. Il y a deux façons d’utiliser le pouvoir pour soi : développer son pouvoir individuel en levant les obstacles à tous ses désirs au détriment des autres, ou se considérer comme le bénéficiaire de ce que l’on aura « pu » apporter à tous.

Un état qui voudrait remédier à la déréliction des instances de pouvoir que nous pouvons constater et que Florent a décrite, pourrait donc commencer par s’assurer que les puissants se soumettent eux-mêmes à ce qu’ils édictent. Florent a décrit hier le pouvoir comme une sorte de pacte, il est accepté par celui qui en dispose et par celui qui le subit. Le danger est de faire du consentement de celui qui le subit une aliénation. Mais si celui qui dispose le pouvoir le subit en même temps, on se garde de cette dérive.

- Mais, me direz-vous, pourquoi ne pas entrer dans le jeu de ce pouvoir sans responsabilité, afin de goûter la satisfaction de la supériorité du pouvoir, sans en assumer le risque ? Simplement parce que je crois que ce n’est de l’intérêt de personne. Il me semble que c’est une erreur d’opposer l’intérêt et la morale, à savoir, en l’occurrence, l’idée que c’est le bien de tous qui est à rechercher. La morale n’est pas une ascèse que l’on s’impose drastiquement pour être heureux dans l’au-delà : elle a pour but d’éclairer la vie ici et maintenant. Il est fort douteux que les hommes veuillent vivre en rapaces isolés plutôt que de se nourrir des relations avec les autres, et plus douteux encore que la satisfaction d’un pouvoir solitaire suffise à fonder une vie.